Le café du mois de Décembre est comme une avant-première. Havana café s’est associé à Cueillette, un coffee shop parisien dans le 11ème arrondissement qui vient d’ouvrir…et qui torréfie son propre café ! Audacieux, mais surtout véritable professionnel (nous avons été bluffé par sa maîtrise du café en général), Brian, co-fondateur de cette belle marque, nous livre ses secrets.
Brian, le nom de ton café est Cueillette Coftea Shop.
Peux-tu nous expliquer l’origine ce de nom/coffee shop original ?
Après un très long brainstorming pas franchement fructueux, on a trouvé un peu par hasard “Cueillette”, et plus on y réfléchissait, plus on réalisait qu’il encapsule tout notre concept parfaitement. Nos deux produits de prédilection, le Thé et le Café, sont cueillis, il y a l’idée d’une sélection, rigoureuse et orientée vers le meilleur. Ca s’étend à tout le reste du concept, nous sélectionnons en particulier certains produits, certains partenariats, etc.
Tu sembles être un véritable passionné du café, avec une solide expérience technique.
Quel fut ton parcours dans le monde du café pour en arriver à ce niveau ?
Je suis tombé dans le café à 22 ans en m’installant à Toronto, faute de job dans mon domaine, j’ai postulé dans un coffee shop sans connaître cet univers… Première rencontre avec une Barista, premiers shots d’espressos dignes de ce nom, premières claques…Il était trop tard pour revenir en arrière.
En France, le monde du café s’était déjà mis en mouvement (les Frogfights, la Caféothèque de Paris, café Lomi), j’ai pris le train en marche à ce moment là, puis nouveau départ, pour Taiwan cette fois. Le monde des coffee-shop y est palpitant et surtout très différent de l’Europe ou de l’Amérique du Nord. Il y a une grande influence japonaise, axée sur la minutie et l’attention à chaque détail.
En France à nouveau, j’ai pris en charge un point de vente d’une chaîne de coffee-shop, j’y ai développé la formation, le contrôle qualité des franchisés. Mais il me fallait un retour au contact du produit, j’ai abordé la torréfaction au fil des rencontres, j’ai lu, posé des questions, observé.
Toutes ces étapes m’ont amené à des niveaux très variés : de la boisson à la relation client, en passant par la torréfaction, l’impact culturel du café.
Ton café est torréfié par tes soins. C’est plutôt rare de voir ouvrir un coffee shop directement avec son propre café. Le schéma classique est d’ouvrir un coffee shop, de capter du volume puis de se lancer dans la torréfaction.
Pourquoi cette démarche ?
Oui, le pari est forcément un peu risqué, mais il est permis dans nos conditions particulières : nous partageons un espace de torréfaction collaboratif au sein de Beans on Fire. Ca nous donne une souplesse exceptionnelle : nous démarrons avec de petites quantités qui collent à notre situation et sommes réactifs lorsqu’il faut augmenter la production.
Torréfier chez Beans on Fire nous offre aussi le luxe de travailler avec quelques cafés très particuliers, disponibles en tout petits lots, juste pour nous. Et bien sûr le fait de partager un espace de travail c’est aussi partager des connaissances, débattre, s’apporter les uns aux autres, faire des erreurs ensemble et apprendre !
L’esprit que tu souhaites faire véhiculer avec ton café en 2 phrases ?
La passion du produit et l’amour du partage comme point de départ à tout le reste ! Tu travailles avec une partenaire pour le thé.
Comment fonctionne votre binôme ?
Notre binôme est né d’une frustration : Isabelle, mon associée, adore le thé, ne boit quasiment pas de café, elle avait donc peu de choix à chaque fois qu’on se retrouvait dans un coffee shop. La frustration était d’autant plus grande qu’on savait tous les deux à quel point le thé peut être passionnant et riche, comme le café.
L’alternative des salons de thé classiques ne nous allait pas non plus, trop cérémonieux, un peu inaccessibles. On voulait emmener le thé dans un univers de coffee-shop ouvert et agréable, mais compétent et pointu.
Peux-tu expliquer à nos lecteurs d’où vient ton café du mois ?
Où est-il torréfié, quel est le type de torréfaction, ses arômes, son pays d’origine ?
Notre café vient d’une coopérative de Arusha, dans le nord de la Tanzanie, nommée Aranga. Il s’agit de dix producteurs qui se sont rassemblés pour mettre en commun leurs moyens de production et de transformation du café. Plus important, cette coopérative est autogérée, ça permet aux producteurs de décider eux-mêmes des orientations prises. Ça leur a permis de sortir d’une organisation verticale dans laquelle ils avaient peu d’options pour pousser la qualité de leurs cafés.
Les parcelles se situent sur le Mont Meru, réputé pour son sol volcanique particulièrement propice à développer de grands cafés. Les fermiers ont hérité d’arbres centenaires qui ont servis de base à la création de leurs fermes, ils ont ensuite planté de plus jeunes arbres, de variétés de caféier différentes et des arbres fruitiers, de façon a diversifier l’écosystème.
La coopérative est en recherche constante pour améliorer la qualité de la production et de la transformation des cerises. Les revenus générés par l’augmentation de qualité leur permettent, par exemple, d’acheter leurs propres terres, louées jusque là, d’investir dans du matériel de pointe, salarier davantage de personnels qualifiés pour la cueillette et les tris des grains.
Ce que j’adore particulièrement dans ce café c’est son corps léger et sa douce acidité. C’est un café qui est une bonne porte d’entrée sur les cafés africains, tout en douceur. Il développe de belles notes de jus de fruits rouges. Au premier abord c’est café idéal pour le filtre, mais en développant une torréfaction adaptée, on abouti à un café polyvalent qui montre tout aussi bien son caractère en espresso en développant plus de notes de chocolat noir.
Comment choisis-tu ton café ?
On est à l’écoute de beaucoup d’importateurs qui font un travail formidable, on goûte, on échantillonne, on test. Notre choix se fait toujours en tout premier sur la table de dégustation, tout est basé sur le goût. Puis on affine notre choix en découvrant les projets. Celui de la coopérative de Aranga par exemple nous touche beaucoup, et c’est le cas pour tous les cafés qu’on sélectionne. La souplesse qu’offre la torréfaction Beans on Fire nous permet de nous affranchir des contraintes habituelles en sélectionnant des toutes petites quantités, des projets très spécifiques.
Comment-vois tu l’évolution du café de qualité en France ?
Est-ce une mode ou bien tout simplement une nouvelle vague qui risque de bouleverser tout un secteur en France ?
Clairement le secteur est en pleine mutation. Si Paris commence à trouver un certain équilibre, la France dans son ensemble a encore une belle marge de progression, et les clients sont justement en attente partout je pense. Les ouvertures s’accélèrent, le maillage des coffee-shops se densifie sur les grandes et moyenne villes.
Aujourd’hui un jeune entrepreneur ouvre un coffee-shop là où il y a une dizaine d’années il aurait probablement repris un bar. Ça fait vivre toute la chaîne du café en amont aussi, les torréfacteurs montent en puissance, atteignent la taille critique qui leur permet de vraiment développer de beaux projets (des achats direct aux producteurs, des centres de formation) qui font, à leur tour, grandir l’intérêt des consommateurs finaux.
C’est un développement plutôt vertueux qui s’inscrit dans une prise de conscience un peu plus large : les gens souhaitent savoir ce qu’ils mangent, ce qu’ils consomment, et comprendre l’impact que cela a sur eux-mêmes et sur le monde.
Un dernier mot perso, un coup de gueule, un message à faire passer ?
Coucou maman ! Ha mais un message moins personnel ? Ok dans ce cas je pense que mon message sera celui de l’espoir : acheter du café de qualité aujourd’hui c’est agir durablement pour aider les populations des pays producteurs, la valeur du café se déplace progressivement vers les producteurs. En dehors des labels, des certifications, notre démarche est de travailler avec le moins d’intermédiaire possible, pour que chaque euro dépensé par vous, le dégustateur final, soit le mieux partagé entre tous ceux qui contribuent, de leurs mains, à la qualité de votre tasse et que demain, un petit coin de Tanzanie soit visité comme une grande propriété de champagne.